Benjamin Griveaux ou le mépris macroniste

Militant socialiste devenu porte-parole d’En Marche en 2015 et du gouvernement d’Édouard Philippe en 2017, Benjamin-Blaise Griveaux incarne tous les reniements, la suffisance et la déconnexion du pouvoir macronien.


1) Jeter de l’huile sur le feu des Gilets Jaunes

C’est avec la crise des Gilets Jaunes que Benjamin Griveaux se fait connaître du grand public. Au début du mouvement, persuadé que la crise pourrait se résorber par de simples mots, il tente de se montrer compréhensif. « Le pays légal doit rencontrer le pays réel » lance-t-il sur France Inter le 15 novembre, en croyant citer Marc Bloch. Pour paraître proche des gens, il étale malgré lui son inculture : il s’agit d’une citation de Charles Maurras.

Qu’à cela ne tienne, devant la montée en force des Gilets Jaunes, Benjamin Griveaux change de stratégie. Il s’agit très vite de diaboliser pour faire peur. Dès le 27 novembre, il dénonce une prétendue « ultra-droite » qui défilerait sur les Champs-Élysées. Dix jours plus tard, pour l’Acte IV des Gilets Jaunes, le pouvoir macroniste se terre à Paris, derrière une douzaine de blindés de la gendarmerie. Pendant que le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, évoque chaque samedi un nombre de manifestants ridiculement faible en comparaison des images prises partout en France, Benjamin Griveaux déconseille aux Français de venir à Paris, comme si la capitale ne faisait plus partie du pays, en dehors du cadre démocratique où devrait pouvoir circuler et manifester librement chaque citoyen.

Griveaux se justifie alors en évoquant « certains éléments voulant renverser le pouvoir ». Il suffit d’imaginer la scène à l’étranger pour comprendre les réactions scandalisées qui s’en suivraient, notamment de la part des médias politiquement corrects. Mais en France, le tapis rouge est déroulé pour Griveaux par ces mêmes médias. La collusion idéologique se double régulièrement de liens personnels. Il suffit d’évoquer le journaliste Nicolas Escoulan. Directeur de la rédaction d’Europe 1 depuis 2015, il passe sans sourciller au gouvernement Macron en juillet 2017, en tant que chargé de communication de Griveaux. Après les campagnes présidentielles et législatives, où il s’est agi de faire croire à une « neutralité médiatique » dans le traitement des différents candidats…

En roue libre sur les Gilets Jaunes, Benjamin Griveaux évoque leur prétendu visage « lâche, raciste, antisémite, putschiste », avec « les codes des années 30 » le 22 décembre. Des propos loin d’être isolés au sein d’un gouvernement pris de panique devant l’ampleur des manifestations. Le 26 novembre déjà, Gérald Darmanin, ministre chargé du Budget, évoquait « la peste brune ». Après les annonces de Macron au jour de l’an, ceux qui continuent de manifester ne seraient que des « agitateurs » voulant « renverser le gouvernement » selon Griveaux. Et de promettre le 4 janvier d’aller « plus loin dans le changement, d’être plus radicaux » au sein du gouvernement.

2) La défense des banlieues avant celle des campagnes

À l’image de Macron, Benjamin Griveaux fait fi de toute remise en question et déploie davantage de morgue, se croyant à l’abri des Français derrière les forces de l’ordre. Dès le lendemain, une grille d’entrée de son ministère est fracturée avec un engin de chantier. Griveaux en profite le soir même pour poser en victime devant les caméras. « Ce n’est pas moi qui aie été attaqué, c’est la République, c’est les institutions » lance-t-il. Malgré les vidéos de destructions commises par des  « Black Blocs » d’extrême-gauche, habitués aux violences, Griveaux continue de dénoncer des Gilets Jaunes dont le service d’ordre serait « assuré par des paramilitaires proches de l’extrême droite. »

L’obsession est révélatrice d’une idéologie. La France des campagnes, celle qui vote massivement pour Marine Le Pen, doit être désignée comme responsable des violences, afin qu’En Marche puisse passer pour le « Parti de l’Ordre ». Les militants d’extrême-gauche et les banlieusards sont de leur côté épargnés autant que possible, malgré les pillages et les destructions. La banlieue est un électorat cible pour le gouvernement, quitte à devoir fermer les yeux sur ce qui s’y déroule. Dès le mois d’avril 2017, quand Marion Maréchal pose la question du soutien des Frères musulmans de l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France, interdite dans certains pays) à Macron et le financement de mosquées par le Qatar et l’Arabie Saoudite en France, Griveaux refuse de dénoncer le premier et d’envisager l’interdiction du second.

En juillet 2018, interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur la principale mesure de Macron ayant « changé la France » en un an, Benjamin Griveaux évoque sans hésiter « la division par deux des enfants dans les classes des “quartiers populaires” ». « C’est la réforme qui changera profondément la France d’ici dix ou quinze ans » ajoute Griveaux. Ainsi, plus de classes dans les « zones prioritaires », c’est-à-dire principalement les banlieues immigrées. Mais pendant ce temps, le gouvernement « ferme des classes dans les villages » comme le rappelle l’OEil du 20h de France 2 en mars 2018.

Le reportage, édifiant, lie directement le dédoublement des classes « à effectifs réduits en CP et en CE1 » en « zones prioritaires » et la fermeture d’une école à Ponthoile, dans la Somme, selon les propres mots de l’inspecteur d’académie. Des classes de villages sont fermées même lorsque le nombre d’élèves est stable, comme à Eaucourt-sur-Somme. « On nous ferme une classe alors qu’on a des effectifs déjà importants, pour ouvrir à côté à 5 km dans une zone d’éducation prioritaire. Qu’on ne vienne pas nous dire qu’on ne déshabille pas la campagne » s’insurge un parent d’élève.

3) Le visage de Macron pour la mairie de Paris

Cette France-là, rurale, massivement représentée parmi les Gilets Jaunes, est comme étrangère à Benjamin Griveaux. En décembre 2018, il étale son mépris envers « les gars qui fument des clopes et roulent au diesel ». Interrogé le même mois sur la question du pouvoir d’achat des Français, il prétend que ce dernier a augmenté de 3 % au cours de l’année, grâce aux mesures du gouvernement. Sauf que c’est faux. En tenant compte de la hausse des prix, l’INSEE révèle que le pouvoir d’achat est en faible hausse au second trimestre, à 0,6 %, après avoir chuté de 0,6 % au premier trimestre. D’autres calculs dénoncent une baisse constante depuis plusieurs années.

La déconnexion entre le gouvernement et la réalité des Français se double d’un jeu pervers vis-à-vis des Gilets Jaunes début 2018. Tout en dénonçant sans cesse le mouvement, Griveaux affirme sur Radio Classique être « content » à l’idée d’une liste Gilets Jaunes lors des élections européennes. « Un processus intéressant » selon lui, alors que les sondages font de cette liste le meilleur moyen pour En Marche d’arriver en tête devant le Rassemblement National au soir de l’élection. Patatras, la liste fait long feu et le parti de Macron ne finit que second derrière celui de Marine Le Pen.

Avec une certaine ironie, cette stratégie du « diviser pour mieux régner » risque désormais de se retourner contre Griveaux et Macron, dans la course à la mairie de Paris. Alors que la République en Marche (LREM) arrive en tête des intentions de vote dans un sondage en juin 2019, quatre candidats à l’investiture – Cédric Villani, Mounir Mahjoubi, Hugues Renson et Anne Lebreton – se manifestent dans le JDD pour réclamer « une consultation citoyenne » plutôt qu’une désignation par une commission. Mais Benjamin Griveaux, qui a les faveurs du président, est investi dès le mois de juillet.

C’est que le porte-parole sait se placer. Littéralement. En juin 2018, France 5 révèle que Benjamin Griveaux s’est installé sur une toute petite chaise lors d’une photo avec Macron pour ne pas paraître plus grand que lui, alors qu’il fait 10 centimètres de plus dans la réalité. Un comportement grotesque qui ne l’empêche pas de bomber le torse face à ses compétiteurs pour la capitale, selon Le Point : « Il y a un abruti chaque jour qui dit qu’il veut être maire de Paris » affirme-t-il, avant d’ajouter, inquiet, que « Cédric (Villani) n’a pas les épaules pour encaisser une campagne de cette nature ».

Cédric Villani va désormais présenter une liste concurrente à celle de Griveaux, sans l’étiquette LREM. De quoi faire plonger le score de Benjamin Griveaux. Malgré ses propos, ce dernier ose encore réclamer de Villani d’être « loyal » en le soutenant. Difficile cette fois pour le porte-parole de Macron d’évoquer « l’ultra-droite » et de « déconseiller » au citoyen Villani de « venir à Paris ». Ne manquent plus que des Gilets Jaunes pour évoquer, moqueurs, « un processus intéressant » dans la course à la mairie de Paris.

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